On a cru longtemps que le lien qui unit la mère à l’
enfant n’en tolérait aucun autre. Il était de bon ton de penser qu'il était indispen
sable au bon équilibre mental du bébé et, plus encore, que seule la mère devait s'occuper de lui. Il était aussi communément admis qu'un tout-petit n'avait la possibilité de s'attacher qu'à une seule personne, en l'occurrence,
sa mère. C'était poser sur les épaules de cette dernière un fardeau écra
sant, tout en la mettant au supplice si son mari voulait l'en décharger.
Les chercheurs ont démontré qu'il s'agis
sait là d'idées fausses. Il n'existe pas d'unique amour pour un bébé. Dès qu'il a atteint l'âge d'aimer quelqu'un, il peut s'attacher à plusieurs personnes à la fois avec la même force. La plupart d'entre eux, dès qu'ils ont atteint le développement voulu, peuvent éprouver simultanément des sentiments affectueux à l’égard de pulsieurs personnes : jusqu’à cinq ou même davantage. A dix-huit mois, un
enfant sur trois a des affinités certaines avec des gens du voisinage et surtout avec son propre père. Les scientifiques ont établi que le fait de vivre en harmonie avec plusieurs membres de son entourage à la fois n’implique pas qu’il nourrisse des sentiments proportionnellement divisés à l’égard de chacun d’eux. La capacité affective d’un
enfant ne peut se comparer à un gâteau que l’on partage en tranches. Chez lui, la faculté d’aimer ne connait pas de limites. Lorsqu’on a admis cette vérité fondamentale, on se rend compte que les soins, dits maternels, ne sont pas l’apanage d’un seul être au monde. En outre, n’importe qui peut assumer le rôle de la mère naturelle, même quelqu’un de l’autre sexe. La voix du
sang n’est qu’un mythe. On chercherait vainement des exemples tendant à prouver qu’une affection profonde ne peut naitre entre un
enfant et des adultes qui, n’ayant aucun lien de famille avec lui, prennent cependant en charge les devoirs parentaux, comme cela peut être le cas dans le gardiennage ou plus nettement encore dans l’adoption. La croyance répandue que seule la mère selon la nature a la capacité d’élever un
enfant est dénuée de tout fondement ; et rien ne
saurait s’opposer à ce que son office soit aussi parfaitement rempli par des hommes que par d’autres femmes. Sur les plans biologique, physiologique ou médical, rien ne démontre que l'on doive réserver aux femmes le soin de s'occuper des tout-petits, si bien que rien ne
saurait infirmer une argumentation en faveur du partage des tâches entre le père et la mère.
Un jeune
enfant peut, répétons-le, se lier à un certain nombre de personnes et l’on a prouvé scientifiquement que tout dépend davantage de la qualité des relations établies que de leur durée. On ne se demande donc plus pendant combien de temps la mère doit demeurer la seule compagne du nouveau-né. Une période minimale d'intimité est
sans doute hautement souhaitable mais on ne peut lui assigner de limites. Ce qui prime, c'est la valeur personnelle de ceux qui prennent le relais. Lorsqu'il est avéré que ces gens font le maximum, il n'y a aucun risque à ce que mère et
enfant passent, chaque jour, quelques heures loin l'un de l'autre, comme cela arrive lorsque la maman travaille.
Une condition s'impose formellement malgré tout : il faut être sûr que la qualité des soins est immuable. De plus, si l’on changeait trop souvent de respon
sable, l'
enfant pourrait en ressentir fâcheusement les conséquences, car s'il n'a pas le besoin absolu de ne voir que les mêmes vi
sages, il désire par contre que l'on s'occupe de lui de façon suivie. C'est à vous qu'il revient de vérifier qu'il ne manque de rien si, en raison de vos occupations, vous devez le confier à des étrangers.
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